transmigrations

en attendant qu’un minimum de vie
achève de digérer sans trop de liesse
le polyester plus ou moins dégradable
(on nous a faits vieux jeu)
de nos petits souvenirs à deux
on se réveille à tout bout de champ

ou serait-ce à tout bout de chant ?

on perd le fil – c’est à cause de l’oiseau
fantôme c’est à cause du moineau blanc
comme un vieux drap percé au bec

il vient nous picosser le peu de mots
qui reste encore tissé à notre histoire

on arrive mal à lui en vouloir
à ce moineau qui est aussi pauvre
que notre mort bâclée à deux

on ne veut plus rien ni à personne
(on ne saurait qui de toute façon)

on le laisse jouer au cerf-volant
avec nos trames effilochées
on se laisse porter au gré des vents
ou de ses sautes d’humeur

ça nous secoue de temps en temps

et on se réveille ailleurs – sur l’eau
presque givrée d’une piscine hors-terre
(on sait alors que l’hiver sera doux
comme un lampion dans un igloo)

– ou dans les pointes rousses
du seul thuya mal épanoui
sur le terrain de mon père

celui qui est coincé dans l’angle vorace
entre la clôture en bois et celle en taule

celui qui est resté tout petit à l’ombre
rose du vinaigrier et de ses panicules

Hiroko Otake, Moments which are not here (2013)


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