l'écart du polatouche
il
faut que j’avoue – je sais pas pourquoi j’ai le cœur aussi en honte de te le
dire – je me sens comme dans cette vieille comédie (j’oublie laquelle) où un grand
type plus beau que la vie ne dit pas assez droit en partant ce qu’il va falloir
réaligner pendant une heure (la nôtre je veux dire parce que lui ça peut souvent
durer des mois) : essaie donc voir de rectifier cet angle infime où tu es
laid pour que ton amour filant n’aille pas se casser le cou sur la petite fenêtre fermée au bout de sa course (ce moment de l’histoire où il faudrait que
tout finisse ensemble-comme-au-commencement comme si le même était semence, réserve)
bref
je vais t’avouer que j’ai une petite bête une convoitise frileuse qui se démène
partout où je te regarde partout où je me souviens de nous partout où on s’attend
encore (près de l’imprévu ou non) c’est un rongeur une boule blanche plus menue
qu’un écureuil – qui sait c'est peut-être un suisse des neiges ou un tamia guimauve ? – je le
vois mal et qu’en passant vu qu’il ne fouine jamais qu’aux environs obscurs aux
alentours hors-champ de ce qui fige devant moi il pense
sûrement que je le vois mal scruter ce qui m’échappe – quand je ferme les yeux puis que je les
rouvre il y a des choses qui disparaissent le plus souvent des ombres ou des
reflets de l’impalpable quoi mais il prend de plus en plus ses aises – il s’imagine
peut-être que je suis sans savoir qu’il s’est creusé un nid à soi un petit réduit douillet
dans le grand froid caché du monde dans le flou sans fin lorgnant à gauche de ce qui semble
et nous rassemble
je t’avoue
que j’ai peur – pour toi pour moi ? – parce que vois-tu comme j'ai dit il
prend de plus en plus ses aises d’abord il s’est mis à s’approcher de toi dès
que je vaquais vaguement à autre chose mais je tenais bon je reprenais chaque
fois le fil juste assez tendu de notre histoire puis une fois je t’écoutais à peine moins
bien il t’a tout de suite piqué une boucle d’oreille – un flocon en or blanc j’ai
tellement honte de t’avoir vue qui tamisait l’hiver pour le retrouver d’avoir regardé sans oser
dire d’avoir osé prétendre t’aider ensuite – je fais attention maintenant j’essaie
de ne plus rien perdre je vois à toi j’entends à toi je m’empreins de toi sauf
que j’ai beau je m’épuise de plus en plus j’ai l’attention qui
vente à tout bout de champ et lui il en profite à chaque fois pour te chaparder
tel cil sur l’œil qui te picote tel grain de beauté telle belle ligne de ton sourire
j’ai
peur parce que le soir où il t’aura tout pris il faudra bien pour te retrouver que
je fasse enfin le grand écart en basculant depuis le confort de mon regard
oui il faudra plonger dans le noir arrière planer dans le vide et sans membrane
à mes côtés sinon le souvenir du froid de tes mains sur mes deux flancs bien
mous
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