boues et bouées du déluge
Sous le ciel à l’huile vieillie (et turnérien) d’un monde réduit au brun, aux flaques, la vie reniflait lentement son cours. Animaux jusque dans le poil de nos blessures, nous rôdions invisibles. Qui osera nous avoir vus, garrots et reins rougis de boursoufflures, flairer sans faim le limon blond – sels et dépôts – d’un âge qui aurait dû ? Nous tâchions de naître en suçotant la petite (et pré)histoire de nos pigments. En avalant la pénitence à quatre pattes. Sans honte de bousculer, quitte à crever à cause du dur au bout de nos cornes, une puanteur, un grognement familiers. N’est-ce pas encore ainsi qu’on fend et fait sécher (focalisons essence et capital) tant de hordes de bois qui dorment en rêvant à nous ? Mais en ces temps nus là, la dépense de nos forces, volutes et tourbillons de muscles, éclaboussait les champs (mi-vectoriels, mi-vertes prairies) sans trop savoir appartenir (rien n'à-part-tient non plus en mes jeux de pistes ne menant nulle part). Bien sûr quelqu’un (comme toi) crachait parfois pour retrouver la voix ou reconnaître sa propre saveur. Avions-nous le choix de l’éventrer ensuite pour offrir cette reconnaissance à un soleil qui se cachait (et en jouissait, le traître) ? Avions-nous le choix de nous gorger au rouge goûteux de la plaie avant d’en avoir même souhaité la teinte ? N’oublions pas que la bave était alors impénétrable. La translucidité, à l’ordre d’une aube qui tarderait longtemps à se lever. Il allait d’abord falloir la nuit. Que pupilles dilatées, nos œils-de-bœuf boivent l’immense en chacun de ses chers petits trous.
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William Turner, The Angel, Standing in the Sun (1846) |
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