au commencement était le coloriage

Alors nos cuirs tue-mouches (on se mordait pour se faire tout-petits) tendaient à fendre ou à confondre leurs couleurs à l’assaut du moindre frémissement. La faute reste mal comprise (qui a connu autant que nous et sait encore ce qu’on éprouve quand quelque part se lève ?). On n’avait pas encore appris à distinguer les trois usages du sang. Dégâts. Offrandes et rougissements. Rien ne lésait plus vrai que le point des larmes (l’eau n’avait pas d’autre sens) lorsqu’un ciel bouillonnant laissait flotter sur le rassemblement des forces sensibles ces fleurs qu’on appelait rouilles-des-pommiers. Combien de bleuets n’ont pas eu le choix du blanc qui a porté leur lente convocation ? Combien de carrosseries gisaient encore à dénicher sous tant de surfaces opaques ? Le monde était entier de tales et de grappes. Il n’y avait que la souche-née-telle (la mort au centre de toute chose) pour assumer l’économie première. Le brun des pistes à venir. Le clair d’orage dans le doux du vent. Le vert de contrées brutes et à abattre. Tout cela devait demeurer tel. Toile à jamais lisible du bout de nos doigts sur sa surface râpeuse et rayonnant de la moelle jusqu’à l’aubier. Il aura suffi qu’on se couche une seule fois. Ce n’est pas la faute de l’ours ou du renard (ceci n’est pas un conte). Non il aura suffi que l’un de nous (les joueurs de noms) s’endorme sur tout cela (qui sait, pour disparaître ?). Or on m’a dit trois fois que c’était toi.

Andrew Wyeth, The Big Oak (1978)


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