grippe aviaire
on a fini par s’embarquer dans le noir vaste et péremptoire qui venait de s’immobiliser devant nous en dégoisant le poids sans fond de son accablement (une quinte de sol toussée un bon deux pieds à gauche de notre piano désaccordé)
c’était un ton beaucoup trop grave pour nos deux têtes de linottes ce qui fait qu’on a eu la chance de se laisser engloutir sans avoir peur de se perdre (ou de découvrir à la toute fin qui on avait vraiment été dans les caches de nos hontes)
on s’est quand même tenus par la main pour se ravitailler un peu les cœurs (on est jumeaux par le cordon toi et moi et l’ombilic nous tient depuis tellement loin que je peux parfois t’entendre pleurer dans le sifflement des conques)
on a touché une dernière fois pendant que les chairs de poule de notre amour sans queue ni tête caquetaient de plus en plus effarouchées sur le seuil de l'anéantissement
on ne sait jamais où on s’en va
c’est ce qu'a choulé ma plaque d’eczéma (celle qui n’existe que pour tes yeux celle qui veille sur le soleil chantant entre mes clavicules ma petite tache en forme de chouette qui shine et nous boursouffle la vie en rose dès que le timbre de ta voix m’appelle pour me ramener au sens premier de tout prénom)
finirai-je encore par l’oublier ?
et c’est
alors que les oiseaux se sont mis à retomber du ciel (la télé nous avait bien
prévenus) sauf qu’ils se sont affalés tout nus la fale à l’air la chair à vif oui comme
avant le premier péché et tout le plumage du monde s’est envolé sans eux comme
si on venait de brasser la terre dans son bocal
des milliards
de plumes auront flotté dans l’eau du firmament comme dans un
souvenir à cinq dollars rapporté de notre séjour tout compris en cet irrépressible besoin de se reposer enfin
mais
on n’a rien senti
on n’était
déjà plus là
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Matazo Kayama, Forêt gelée (1960) |
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