le ciel de Précieux-Sang

ne te retourne pas mais il y a ma grand-mère
qui se berce derrière toi elle m’apparaît
de temps en temps oui j’aurais dû te le dire

Laurette est morte sans savoir
si le ciel au-dessus de son village
était peuplé de vie et de mystère
depuis elle vient nous rendre visite

ne te retourne pas même si tu crois sentir
passer l’éclipse sur ta nuque – cette noirceur
étale où elle avait les yeux – ça peut faire peur

Laurette veut seulement savoir
si le ciel au-dessus de chez nous
demeure encore aussi inexplicable
la pauvre est morte sans réponse

ne te retourne pas je vais chercher des retailles
d’hosties fanées dans le buffet oui je les garde
pour elle – mange qu’elle devine que tu l’aimes

parce qu'elle est morte sans savoir
qu’un vaste ciel obscur et édenté
ouvre la bouche pour nous sourire
dès qu’on écoute ses longs silences

Stanislao Farri, Eclisse totale, 1961 

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