chroniques mercuriennes 1 - le point le plus chaud
Puisque rien n’interdit en principe
à une sonde de se rendre à proximité pour en prendre la mesure, on peut dire qu'il existe à
tout moment sur l'équateur de Mercure un point maximalement exposé au soleil.
Un point où selon les estimés les plus récents, la température peut atteindre
427°C. Une telle température étant indiscutablement incompatible avec les aléas
de la vie corporelle humaine, il faudra peut-être un jour reconsidérer cette
sagesse selon laquelle la lucidité serait la blessure la plus rapprochée du
soleil. Mais tel n'est pas ici notre propos. Laissons nos corps sur terre pour
un instant et allons constater sans risque de nous brûler ce qui se passe en ce point le plus
chaud de l'équateur mercurien. Comme tout point, c'est un lieu purement idéal.
Et comme tout point appartenant à cet espace dit réel dans lequel notre corps
animal exerce depuis des millions d'années sa mobilité reproductive et
prédatrice – espace que la science ne nous a que tout récemment appris à rendre
homogène à celui où se meuvent la terre et les autres planètes – c'est un
lieu aussi relativement que perpétuellement en train de se déplacer. Or, la
rotation de Mercure sur son axe étant, pour des raisons très significatives sur
lesquelles nous aurons l'occasion de revenir une autre fois, plutôt lente, il
se trouve qu'en tenant compte de cette seule rotation, ce point se déplace à
10.892 km/h. Ici il nous faudra sinon suspendre, du moins ralentir un peu le
train de nos considérations spatiales inactuelles. Ici nous aurons besoin de
cette coutumière minute de silence pour mieux apprécier dans toute son
étrangeté le caractère aussi miraculeusement humain d'une telle vitesse. 10.892
km/h, c’est une vitesse de la vie de tous les jours comme on n'en retrouve
presque jamais dès lors qu’on quitte l’orbite terrestre. C’est par exemple une
vitesse de course assez facile à maintenir pour un adulte entraîné et habitué à
ce genre d'exercice. En deçà d’une telle vitesse moyenne, une femme de moins de
45 ans ne sera même pas admise à participer au marathon de Boston. Je vais
maintenant te demander d'essayer de penser à cette vitesse pendant une minute.
Prends ton temps. Puis quand tu sentiras que ça y est, que tu peux te figurer
intérieurement l’ensemble des mouvements impliqués, puisque ce sera désormais
possible, imagine-toi en train de courir à cette vitesse de 10.892 km/h sur la
surface grise et crevassée – sous un midi aveuglant et momentanément ralenti
par ta course contre la rotation – de la planète de fer. Même en imagination ce
sera parfois pénible, il y a d'autres mouvements d'impliqués dont tu ne peux
tenir compte pour l'instant, mais si tu le fais au bon moment et avec le juste
degré de concentration, il y a de fortes chances pour que tu rencontres une
femme dans la trentaine en train de faire son jogging quotidien. C’est une amie
à moi. Je te parlerai peut-être d’elle une prochaine fois.
| Mercure |
J'espère qu'elle met de la crème solaire.
RépondreSupprimerHaha ! Je dis ça je dis rien, mais on va peut-être apprendre plus tard qu'elle est dépourvue de corps physique et cherche quand même par tous les moyens à se donner des sensations...
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